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EXPERIMENTATION

               Au conseil d’administration de l’association, ma contribution était jusqu’à présent centrée sur des questions opérationnelles. L’expérience de cet été prenait une autre dimension car pour la première fois cette année, je proposais et animais une semaine  de rencontre à la Magnanerie. Dans mon « dialogue silencieux »  avec un  marseillais qui a rejoint « l’autre rive » je peux désormais lui dire: «  Mon cher Jean-François, tu remarquais un jour mon « défaut » d’expérience car une semaine  à Mirmande c’est important.  Ainsi, je te dédie l’animation d’une semaine de rencontre que je portais cet été  sur un thème qui trouve des résonances avec ton intérêt pour l’ écologie et l’encyclique « Laudato si » du Pape François».

               Eprouvant la nécessité d’un travail de recherche personnelle, la perspective de présenter à d’autres le résultat de mes réflexions me stimulait. Travaillant depuis trois ans sur  l’anthropocène et  depuis plus longtemps sur l’oeuvre de Légaut, je n’ai pas eu de difficulté pour trouver une thématique. Je m’interroge aujourd’hui  sur le sens de ce qu’est  une vie « d’homme à la recherche de son humanité »(1) dans un contexte où l’existence  de l’espèce humaine est  menacée. Ainsi, je choisissais un titre « L’art pour sauver le monde » à l’issue d’un travail sur  Bernard STIEGLER (2). Le choix de ce thème correspond  au 3ème axe des missions de l’ACML: « Susciter des lieux de recherche sur les grandes questions se rapportant au sens de l’existence ».

 

               N’étant ni philosophe ni enseignant , j’ai  agrémenté mes exposés  de très nombreux extraits videos pour les rendre plus vivants. Mais « donner   la parole » aux philosophes « DELEUZE, BOURG, STIEGLER… » , ce que permet la technologie « You Tube,  iMovies ..» aujourd’hui, ne suffisait pas. Il fallait un temps de respiration dans la semaine qui était dense. Martial DUVERT, expert en beaux arts, a eu la gentillesse  de nous accueillir chez lui à CREST. Il nous a introduit avec patience et passion  aux peintres de haut vol qui ont fréquenté la Drôme  où ceux-ci proposaient  une alternative à PICASSO et  BRAQUE après la première guerre mondiale.

               Je dois avouer avoir travaillé 1mois et demi  pour préparer cette semaine pendant lesquels j’étais saisi  par des moments de doute: « tu n’es pas philosophe, tu t’attèles à un chantier bien trop vaste pour toi!…». En effet, plus j’avançais dans ma préparation, plus la question s’ouvrait alors que j’avais d’abord imaginé l’avoir circonscrite.

Il me fallait  persévérer aidé en cela par les échanges avec celles et ceux qui ont eu l’audace de participer à cette aventure d’une semaine de rencontre avec un inconnu et aussi  avec celles et ceux qui n’ont pu participer en me disant leur interêt et leur regret.

               Au cours de cette expérience, j’ai été conduit à  me positionner et à m’interroger. Par exemple: 

-On m’interrogeait sur le contenu de la session, du stage que j’animais. Je rebondissais  alors  sur le mot « stage » en expliquant qu’à la suite de Marcel LEGAUT, cette désignation ne convenait pas car « la Magnanerie ce  n’est pas une boîte à sessions ». L’expérience, et cela concerne aussi celle d’essence spirituelle, ne s’enseigne pas. Elle se transmet éventuellement de « coeur » à coeur », pas de « bouche » à « oreille ».  

-Me demandant si j’étais indemnisé de mon travail,  je répondais que non,  me présentant  comme un participant qui témoignait d’un travail personnel.  Et ce témoignage  était rendu possible grâce à Chantal qui effectuait un travail de l’ombre particulièrement  apprécié au moment des repas mais aussi par la présence exigeante et bienveillante  des participants.

-Et puis j’éprouvais des difficultés pour répondre à la question simple suivante «  qu’est ce qui fait la singularité de l’oeuvre spirituelle de Marcel LEGAUT? ».

               Au bout du compte, j’ai abordé cette semaine de rencontre comme le fait un  « amateur » (3) rencontrant d’autres amateurs  dont je  découvrais  en cours de route la richesse  en espérant ne pas les avoir déçus. Ainsi, je faisais par et avec d’autres l’expérience de « l’inattendu », à commencer par comprendre en quoi « l’art peut sauver le monde » puis tenter de partager avec enthousiasme mes découvertes.

                                                                                                                                                                                                   Paul

(1)     On pense ici à « L’homme à la recherche de son humanité » qui est  l’une des pièces centrale d’un ouvrage de Légaut dont le  titre non retenu par l’éditeur était  « L’accomplissement humain ». Ici, le mot « accomplissement » peut prendre le sens de « salut ». « L’accomplissement » d’un homme, le « salut » d’une espèce…

(2)      Bernard STIEGLER est un philosophe qui  « pense » les nouvelles technologies(voir son travail sur la mémoire), leur impact sur l’homme, le devenir et l’advenir de l’humanité. Avec d’autres, il  pose un diagnostic , analyse, propose  et expérimente. Son association « Ars Industrialis » dispose d’un site très riche d’informations.

(3)     Le terme « amateur » est aujourd’hui déprécié car on lui préfère le terme de « professionnel ». Bernard STIEGLER met en évidence la nécessité d’un retour à la figure de  l’amateur dans la perspective de l’émergence d’une économie contributive à externalité positive: « l’amateur est  celui qui aime l’objet de son étude et  s’y investit.. ».