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Itinéraire - Le besoin et le désir où s’originent la vie  et l’œuvre de Légaut

Très vite, j’ai compris que ce désir d’être fidèle à ce que je pensais devoir être, que ce besoin de vivre dans l’authenticité de mon être profond s’imposaient à moi comme le faisaient l’honnêteté de l’esprit et l’amour du vrai. Très vite aussi  - encore que je fusse, moi aussi, puissamment conditionné par mes origines et mon environnement – j’ai pressenti et osé croire que, si ce désir et ce besoin issus de mon tréfonds grandissaient à mesure que je leur correspondais, c’était parce qu’ils étaient ma raison d’être – ce que je fus conduit à appeler plus tard ma mission.
C’est seulement cette manière de vivre personnelle à chacun qui puisse le conduire à la plénitude propre à son humanité. C’est aussi la façon privilégiée qui permette d’aider indirectement autrui pour autant que, consciemment ou non, celui-ci recherche à être lui-même, à vivre vrai. C’est ainsi enfin qu’on tient vraiment sa place dans la société et qu’on y joue le rôle qui nous est accessible.
Je ne pouvais pas douter de la vérité de ce besoin et de ce désir tant ils s’imposaient à moi avec force, de façon relativement stable,  tant peu à peu ils m’investissaient et m’envahissaient davantage tout entier.
Ce désir et ce besoin, l’un et l’autre s’aidant à s’expliciter et à grandir, ne relevaient pas particulièrement de mon initiative. Ils ne provenaient pas seulement du dynamisme propre à la jeunesse ni de la considération des moyens que je me connaissais. Je l’ai compris depuis. Ils  étaient bien plus le fruit d’une vie spirituelle qui, dans le secret, se développait depuis mon enfance.
 
Sans nul doute, ce désir et ce besoin grandirent en moi en même temps que je m’approfondissais et que je n’étais plus seulement le surgeon de mon terrain d’origine. Désormais, entré dans ma vie propre, grâce à l’exactitude et au sérieux des engagements que ma foi et ma fidélité m’avaient conduit à prendre, je fus rendu davantage capable de devenir avec exactitude l’homme singulier et irremplaçable que j’avais à être de par mes possibilités connues ou encore secrètes.
J’ai vu depuis comme une confirmation de la « justesse » de ma voie, j’ai su m’orienter peu à peu, et par des étapes non préméditées, vers l’œuvre imprévisible, mais finalement nécessaire, celle que nul autre n’avait à faire, ou du moins n’aurait pu conduire de la même manière, vers l’œuvre qu’il me fallait entreprendre, sinon réussir, tout au long de ma vie. 
 
Marcel Légaut, Méditation d’un chrétien du XXe siècle (Aubier p. 23-25)
 
NB. Dans le texte ci-dessus, qui est intégralement de Légaut, j’ai procédé à de nombreuses coupures, non signalées, pour en faire ressortir la trame et j'ai mis en italique certains passages. Jean-B. Mer