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Il y a plus de 50 ans, Légaut écrivait : « Sans cesse réfléchir sur l'échec du christianisme et sa réussite. Être harcelé par l'abstention des chrtiens le plus souvent encore invisible ». (Travail de la foi p.72).

Je vais essayer de reprendre à mon compte cette question, en relisant mon itinéraire de chrétien ; j'avais 20 ans en 1970. La formation chrétienne reçue, après l'adolescence, consistait à écouter et méditer les Évangiles, et à en tirer des motifs pour améliorer son comportement, devenir comptissant, solidaire, s'engager pour un monde plus juste... D'une certaine manière, on pensait connaître Jésus et il s'agissait de passer aux actes. Mais cela suffisait-il pour avoir une foi enracinée ?

« ... éduqués religieusement à la manière ancienne, ... vaguement croyants au départ, ils deviennent vaguement athées ensuite comme quiconque peut l'être sans efforts dans les temps présents ». (Un homme de foi et son Eglise p. 84).

Le blé, semé à l'automne, germe et sort de terre au début de l'hiver. Il arrive que le gel « déchausse » la céréale, la soulève : les racines n'ont plus pied et le blé s'étiole. C'est pour cela qu'en fin d'hiver le paysan passe un rouleau sur le sol pour que les racines « s'enracinent » et retrouvent la terre.

Je pense souvent à cette image : est-ce que la formation chrétienne classique reçue était adaptée aux grands hivers ?

En effet, nous n'étions pas invités au travail personnel dans ce domaine. Il suffisait pour nous d'adhérer et cela nous dispensait de chercher. D'ailleurs, l'Église avait ses spécialistes qui cherchaient pour nous, nous libérant ainsi pour les tâches dans le monde. Nous pensions que l'action suffisait.

De plus, le passé, l'histoire, nous ennuyaient et nous semblaient inutiles. Nous ne visitions pas, comme le recommandait fortement Marcel Légaut, les 20 siècles de christianisme où, dans des contextes très divers, des témoins ont vécu comme ils ont pu de ce dont vivait Jésus. « Par leur présence secrète, ils accompagnent de près ou de loin le croyant... et le font entrer, autant que cela se peut, dans leur communion avec Jésus... » (Introduction à l'intelligence du passé et de l'avenir du christianisme p. 30).

Enfin, découvrir le « travail » d'un témoin, Légaut par exemple, pouvait laisser penser que l'essentiel était fait, alors que ce n'était qu'une amorce. L'enjeu était, pour chacun, d'entamer son propre « travail de la foi »...

En ignorant la richesse et la profondeur du sol qui porte et attend, le blé « hors sol » est à la merci des brutalités du temps, des désarrois et des idéologies...

30 ans après la mort de Marcel Légaut, les travaux et les recherches donnent une lumière nouvelle sur son œuvre. Et si nous n'avions pas fait tout le tour de son travail ? Avons-nous exploré la profondeur des strates qui nous portent ? Et si nous avions, sans le savoir, un certain savoir-faire pour enraciner la foi ? Et si c'était l'A.D.N. de notre Association ?

Francis Bonnefous, Président de l’A.C.M.L.