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Le « Syn-ode » comme invitation à la marche

Je voudrais rebondir sur une réflexion d’un lecteur prenant à son compte les questions de Francis Bonnefous dans le dernier QN : « Avons-nous exploré la profondeur des strates qui nous portent ? »(...) « Il me semble qu’il serait bon de rappeler sans tarder la gravité et l’exigence qu’exprime Marcel Légaut dans son appel public du Monde en 1989 : « Faudra-t-il que mon Église ait à passer par une sorte de mort pour que, du milieu des ruines qui se seront accumulées au long d’un lent et con#nuel effondrement, jaillisse de nouveau une véritable source de vie ? » Ce lecteur ajoute : « Ne parle-t-on pas aujourd’hui d’effondrement, et d’un projet de synode ... Se pourrait-il qu’il soit de fait décisif ? »

Le mot syn-ode est connu mais les interprétations en sont multiples. Le préfixe syn (avec) sonne comme un appel à l’unité. On consent au détour mais en ba#ant le rappel à l’ordre. Pourtant, derrière l’image du chemin (odos) ne s’impose pas forcément un sens unique comme convergence en un seul point de rassemblement. Les chemins restent multiples : « Que chacun aille en paix sur la voie qui est sienne ». Chacun, de son côté, avance sur une voie personnelle. Le syn-ode est pourtant bien une invitation à se partager mutuellement nos chemins multiples.

Marcel Légaut ne se présente pas comme un modèle déposé, il se pose comme une singularité en mouvement, non en porteur d’une doctrine définitive. Il n’a jamais eu d’autre but que de transme#re sa propre expérience d’une marche existentielle, lui perme#ant de sortir d’une réelle passivité et d’acquérir une stature d’éveilleur, à la fois disciple et apôtre. Son cheminement lui parut communicable et disponible. Il le propose comme un « possible » afin de susciter les autres. Son œuvre spirituelle est une invitation à une voie d’humanité en chemin, inscrite dans l’effectivité d’une vie et à même de se partager.

Désormais les retours et restaurations ne sont que des nostalgies factices ; la subjectivité est sans cesse appelée à s’inventer au contact des autres témoignages d’humanité. Nous sommes tous des « horsains ». Il n’y a plus de modèle unique. Tomas Halik, jésuite tchèque, insiste dans les Études (janvier 2022) : « la religion au sens de religare, relier, a cessé d’être pertinente. Mais la religion au sens de relegere, relire de manière critique et inventive, est plus actuelle et nécessaire que jamais. »

Émile Poulat reconnaissait en Légaut « toute une vie en catholique fidèle et en libre croyant » et il citait Étienne Fouilloux, le résumant : « Une vie vraiment humaine comme fondement de tout, Jésus débarrassé de certains échafaudages doctrinaux, l’Église mais pas dans ses structures actuelles, Dieu à n’en pas douter, mais certainement pas comme avant. »

Et si l’ACML en tant que telle, apportait sa contribution au Chemin Synodal engagé ? Quel serait son apport ? « Avons-nous exploré la profondeur des strates qui nous portent ? » interroge le Président.

« Il n’est pas plus forte sagesse que celle du croyant qui porte son Église sans être écrasé ou même alourdi, la sert sans être asservi, croit et espère en elle sans illusion et l’aime sans être dupe. »
Marcel Légaut (IPAC p.90)

Joseph Thomas