Edito mars 2024
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La joie d'être
L’expression est au cœur de la grande « prière » de Légaut : « Infimes, éphémères mais nécessaires » qui résume à merveille sa démarche d’humanisation. Je l’ai apprise par cœur et me la redis souvent. C’est en quelque sorte mon credo. Pour Légaut « la joie d’être » est l’un des fruits que recueillent les femmes et les hommes qui, dans l’épaisseur, les méandres et les épreuves de leur existence, s’efforcent, à longueur de vie et vaille que vaille, d’être fidèles aux exigences intérieures émergeant de leur conscience et ainsi découvrent peu à peu leur « mission » propre, « ce qu’ils doivent être et faire pour correspondre à tout ce qui est en eux et se réaliser pleinement ». (1) Beaucoup de ces personnes n'ont sans doute pas conscience de la lente et profonde transformation qui s’opère en elles alors qu’elles s’adonnent dans l’ordinaire des jours à pratiquer la droiture, la simplicité, l'attention à autrui, le refus du mensonge et de la duplicité. L’important c’est d’en faire l’expérience. J'ai fréquenté dans mon enfance plusieurs femmes âgées qui avaient connu de grands malheurs familiaux et qui, malgré ces adversités, témoignaient sur leur visage et dans leur comportement la « joie d’être ». J'aimais être à leurs côtés. C'est bien après leur mort que j'ai eu conscience de ce qu'elles avaient semé en moi.
Cette « joie d’être » n'est pas un sentiment vague et spontané d'autosatisfaction d'avoir réussi des activités, lequel peut s'évanouir au premier obstacle. C'est un état durable de paix et de sérénité qui advient et demeure au plus intime malgré les remous inévitables de surface. Celles et ceux qui connaissent cette stabilité de fond ne redoutent pas les éventuelles perturbations à venir. Ce qui ne signifie pas qu'ils soient insensibles, ni inconscients. Ils connaissent leur vulnérabilité, leurs misères et leurs pauvretés mais ils ont franchi une ou des étapes décisives qui ne les font plus craindre, comme auparavant, de perdre pied. « La joie d'être » irradie leur visage, colore leur manière de vivre, leur inspire le goût pour la simplicité et la vérité des relations, leur fait relativiser ce qui se donne des airs importants et les conduit à considérer comme essentiel la qualité du moment présent. Qui a rencontré personnellement Marcel Légaut a ressenti cette forme de présence authentique et fraternelle, si attachante et contagieuse.
Nous, lectrices et lecteurs de Quelques Nouvelles, vu notre âge, si, à l’école de Légaut, nous avons consenti au fil des années à nous laisser bousculer dans nos certitudes, nos habitudes, nos comportements, nos croyances, nos évidences, et si ces dépouillements ont aiguisé en nous la conscience de l’essentiel, alors nous expérimentons cette « joie d’être » même si nous sommes toujours en chemin.
Pour moi, « la joie d'être » n'est donc pas une belle formule mais une expérience. Et je me sens en communion profonde avec tous ceux qui l'expérimentent, quels que soient leurs parcours. Je n'en connais qu'un nombre restreint, croisés au hasard de rencontres, de lectures, de compagnonnages communs, d'émissions de télévision. Mais je sais qu'ils sont en réalité infiniment plus nombreux dans le temps et l'espace. C'est pour moi une cause de bonheur permanent et imprenable. Je suis très reconnaissant à Marcel Légaut de m'avoir montré le chemin.
Jacques Musset
(1) L’homme à la recherche de son humanité, Marcel Légaut, Aubier, 1971, p.192
RENCONTRES DE PÂQUES à Mirmande du 2 au 5 avril 2024 inscriptions auprès de Françoise Servigne (cf. adresse à la fin du document) possibilité de commander le dépliant complet des Rencontres 2024 à la même adresse. |
Quelques nouvelles mars 2024
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LES DEUX LUCIDITES : PAR OPPOSITION ET PAR APPROFONDISSEMENT (2)
Il est tout à fait certain que les miracles de l’Évangile, un certain nombre de paroles, celles de Matthieu par exemple nous parlant de la Cananéenne, ne sont pas très sympathiques. Il y a des miracles qui sont vraiment un peu costauds : tous ces démons qui foutent le camp dans les cochons. Voilà des choses qui sont vraiment des difficultés. Ce ne sont pas ces difficultés-là que je dis nourrissantes. Ce sont des difficultés que les exégètes peuvent lever. La lucidité qui est née de l’opposition au christianisme, de l’opposition à la vie spirituelle, est une difficulté vigoureuse mais qui n’atteint que le superficiel. Ces difficultés-là sont un peu nécessaires mais elles ne sont absolument pas suffisantes.
Il y a une autre lucidité – la lucidité par approfondissement humain – qui va faire lever en nous des difficultés d’un autre ordre de grandeur que les difficultés légères de texte, de manière d’être ou de manière de faire que les critiques du christianisme nous apportent assez abondamment. Ce sont des difficultés de fond, de base, des difficultés qui, pour être découvertes, méritent qu’on les cherche. Elles ne peuvent être découvertes que par l’approfondissement humain et cet approfondissement humain ne peut être réalisé que si notre foi est déjà suffisamment vivante. De telle sorte que la facilité de notre foi est beaucoup moins la conséquence de sa vigueur que de sa faiblesse. Plus on est croyant, plus on doit avoir de difficultés pour croire parce que précisément ces difficultés manifestent la force de notre foi et non pas sa faiblesse.
La nature agréable, campagnarde, celle que vous connaissez surtout quand on est citadin, c’est-à-dire par beau temps, cette nature-là ne nous aidera jamais à comprendre l’écrasement de l’homme dans le monde comme un hindou illettré peut en vivre lorsqu’il habite dans son pays.
Cette expérience humaine, cet approfondissement humain, qu’il nous serait nécessaire d’atteindre pour que notre foi soit plus réelle, plus profonde, qu’elle s’enracine plus entièrement dans notre nature, il nous est extrêmement difficile de l’avoir en vivant superficiellement dans la nature comme nous pouvons le faire actuellement.
Le paysan du temps jadis, dont la vie était très précaire, dépendait de la saison. Il avait sûrement en lui une impression d’écrasement par ce qu’il appelait la providence, la volonté de Dieu. Cela ressemblait très fort à l’Islam, cette sorte d’anéantissement, de fatalisme qui faisait que ce qui était bon, il fallait le prendre, ce qui était mauvais, il fallait le prendre aussi. Tout ça venait de Dieu. Nous n’avons plus cette impression d’écrasement que connaissait le paysan de jadis. Le trésor religieux de l’Islam nous était plus facile à atteindre il y a cent ans que maintenant.
Alors le grand danger de notre vie spirituelle, c’est qu’elle devient abstraite par manque de profondeur humaine. Mais si cette profondeur humaine, nous ne l’atteignons plus spontanément par l’expérience quotidienne de la vie, en revanche, dans la mesure où, étant plus conscients, nous essayons de mieux réfléchir sur ce que nous sommes nous-mêmes, sur notre place dans le monde (et sur ce qu’est le monde), dans cette mesure par un effort de prise de conscience, nous pouvons remplacer, et au-delà, cette sorte d’écrasement, d’évidence intime, non explicitée, qu’on connaissait jadis. (À suivre)
Marcel Légaut Topos des Granges (1963)
Ed. Xavier Huot p.29
Centenaire du groupe Légaut - 1925-2025
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Le centenaire du groupe Légaut en 2025.
En 1925, à la rentrée, Marcel Légaut, à Normale sup. va méditer les évangiles avec des normaliens de Saint Cloud, ouvrant ainsi l’univers du premier degré de l’enseignement à sa réflexion, celle d’un laïc. Le groupe Légaut, sans grande ossature, naît et après des péripéties variées, de Paris à Chadefaud dans le Massif Central, puis Les Granges de Lesches et Mirmande dans la Drôme, perpétue ses rencontres jusqu’à ce jour.
Il y aura plusieurs manifestations en 2025. Certes le conseil d’administration des 14-16 février 2023 a validé trois évènements :
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La mise en numérisation de l’oeuvre complète de Marcel Légaut, avec sa mise à disposition par le site de l’ACML. Paul Roux a piloté l’ensemble avec l’aide de nombre de membres de l’ACML, Serge Couderc, Jean-Jacques Chevalier, Jocelyn Goulet, Chantal Decoorebyter, François-Xavier Légaut, Dominique Roux, Rémy Légaut, Dominique Lerch, ...
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Une date : 10 septembre 2025 est à retenir à Valence aux Archives départementales (à côté de la Préfecture). Vous trouverez ci-joint l’appel à contributions qui concerne la vie des groupes, le rayonnement de Marcel Légaut, son apport, ses racines. N’hésitez pas à proposer des éléments, nous pourrions avoir une partie d’échanges sur la vie des groupes en suite des communications. Mais nous aurons aussi besoin de quelques coups de main pour l’accueil des communicants, l’hôtellerie, les repas, surtout si la journée d’études devient un colloque international où l’Espagne et le Québec sont d’ores et déjà partants et où nous ne désespérons pas d’avoir une contribution belge.